Les modes de travail évoluent, la prévoyance aussi

Le Temps

Philippe Doffey
Directeur de Retraites Populaires

Faire toute sa carrière dans une même entreprise est de moins en moins fréquent. Nombre d’employés décident d’une interruption pour des raisons personnelles. Attention aux lacunes de prévoyance!

De nouvelles formes de travail sont apparues et se sont consolidées au cours des dernières décennies. L’essor des nouvelles technologies a favorisé le travail à distance, depuis le domicile, avec l’avantage de s’accorder aux notions de développement durable prônant la réduction des déplacements individuels et de la congestion des transports publics aux heures de pointe. Mais surtout, le temps partiel a pris ses marques depuis les années 1980, allant de pair avec la progression des activités de services. En Suisse, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), le nombre de personnes actives occupées à temps partiel est de 1,474 million au 4e trimestre 2010. Ce chiffre a augmenté de 16,1% entre 2005 et 2010, en particulier dans le tertiaire. Le temps partiel permet aux employés d’occuper leurs heures libres en couple ou avec leurs enfants, d’augmenter leurs vacances, de s’engager en politique ou d’accroître des activités de loisir, par exemple. Sur 10personnes en profitant, 8 sont des femmes. Quand l’organisation du travail au sein de l’entreprise le permet, il est possible que deux collaborateurs partagent un même poste de manière complémentaire (concept de job sharing), à raison de 50% chacun.

Ces nouveaux modes de travail ont un impact sur la prévoyance. Dans le cas d’un salarié à plein temps qui gagne 80'000 francs de revenu annuel brut, une retenue de 10,3% sera effectuée pour les cotisations AVS/AI/APG (répartie paritairement entre l’employeur et l’employé). Il va également payer sa part de 2e pilier à sa caisse de pension. A l’âge de la retraite, il bénéficiera ainsi de la rente AVS (calculée en fonction de ses années de cotisation au 1er pilier) et de la rente LPP. En revanche, si cette même personne cumule quatre emplois différents à temps partiel, à raison de 20'000 francs de revenu annuel brut chacun, sa situation sera différente en matière de 2e pilier. Car pour être assuré dans le cadre de la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP), il faut percevoir au moins un salaire annuel brut supérieur à 20'880 francs par employeur. Cette personne ne peut donc pas s’affilier à la caisse de pension de l’un de ses employeurs, sauf si le règlement de l’institution prévoit l’exception. Néanmoins, cotiser pour son 2e pilier reste possible si la personne s’assure auprès de la Fondation institution supplétive LPP, caisse de prévoyance nationale mandatée par la Confédération pour servir de filet de sécurité en la matière. Selon le métier, il existe également des caisses de pension destinées à certaines branches professionnelles qui sont à même de couvrir l’ensemble des activités partielles.

D’autres évolutions prennent forme dans le monde du travail. Faire toute sa carrière dans une même entreprise est un phénomène de moins en moins fréquent. Nombre d’employés décident d’une interruption pour diverses raisons d’ordre personnel, comme entreprendre un voyage de longue durée, s’investir dans un projet particulièrement exigeant ou simplement faire une pause dans leur parcours professionnel. Ces périodes de "morcellement de carrière" peuvent varier en fonction de la dynamique de la vie de couple ou familiale, le cas échéant.

Prenons l’exemple de la personne décidant de faire un tour du monde ou partir étudier à l’étranger pendant deux ans. Dans la plupart des cas, elle ne pensera plus à maintenir son affiliation AVS et ne versera pas la cotisation minimale. Deux années manqueront donc à son total du 1er pilier. Ceci aura une conséquence défavorable sur le calcul de la rente qui lui sera servie à l’âge de la retraite. Quant à ses avoirs de 2e pilier, ils seront transférés par le dernier employeur en date sur un compte ou une police de libre passage, en attendant le nouvel emploi. Dans ces cas, il sera toujours possible de combler les lacunes de prévoyance des 1er et 2e pilier par le biais du 3e pilier, via une police de prévoyance individuelle. Dès son retour à l’activité professionnelle, la personne pourra aussi racheter les années cotisation manquantes au 2e pilier. Ainsi, le moment venu, elle pourra maintenir son niveau de vie antérieur au départ en retraite. Voilà comment la prévoyance peut s’adapter aux nouveaux modes de travail.

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