Un partenariat entre les collectivités publiques et les caisses de pensions pour les classes moyennes

Le Temps

José Carlos Molina
Directeur

Le constat est là. On ne peut plus en détourner le regard: profitant de la rareté des biens à disposition sur le marché immobilier, une certaine spéculation génère la hausse des prix du logement que l’on connaît, spécialement dans l’arc lémanique. Cela a des conséquences directes sur les jeunes et les familles désirant acheter ou louer leur demeure, qui ne trouvent pas d’objet compatible avec leur budget.

Les collectivités publiques souhaitant concourir à la limitation de l’impact de la crise du logement sur le budget familial ont toutefois des outils à disposition. Elles peuvent notamment se tourner vers des acteurs immobiliers responsables, dans une démarche de partenariat. Les opportunités de développement offertes par différents investisseurs institutionnels peuvent aboutir sur des loyers abordables.

Pour les classes sociales les moins favorisées, des solutions louables tels que l’habitat subventionné, voire des coopératives d’habitation, s’avèrent appropriées. Ces pistes sont rôdées et ont déjà fait leurs preuves. Toutefois, de telles réalisations nécessitent des engagements financiers des collectivités publiques sur plusieurs années, pouvant grever certains budgets de fonctionnement dans des exercices plus difficiles. Quant aux classes sociales les plus favorisées, l’accession à la propriété paraît être une bonne alternative. Les loyers aujourd’hui pratiqués ne sont pas un obstacle financier.

Reste la classe moyenne, actuellement la plus pénalisée, qui tend vers une paupérisation. On l’oublie. Pourtant, elle contribue fortement au développement économique du pays. Cette frange de la population ne peut bénéficier d’aides aux logements. Elle n’a pas les moyens financiers suffisants pour honorer les loyers aujourd’hui pratiqués sur certains objets, ni ne dispose des fonds propres nécessaires pour l’acquisition de son logement. Certes, elle peut parfois recourir à sa prévoyance professionnelle. Mais à terme cette pratique risque de s’avérer un choix inapproprié, au vu de l’évolution du noyau familial. Pour cette population, des alternatives de partenariat entre les collectivités publiques et les caisses de pension s’avèrent des plus indiquées. Une vision commune à moyenne ou longue échéance en faveur d’une économie durable constitue un fil conducteur permettant de trouver des opportunités novatrices. Les collectivités publiques détiennent les biens-fonds. Les caisses de pension, elles, disposent d’un grand savoir-faire en matière de réalisations immobilières, ainsi que les ressources financières nécessaires à ces réalisations. Elles disposent de liquidités importantes à investir à long terme dans la pierre. Ceci les autorise à observer sereinement l’évolution des taux hypothécaires.

Pour les institutions de prévoyance, l’immobilier constitue un véhicule de placement relativement sûr. L’objectif est de garantir le financement des futures prestations de rente. Ceci explique la vision de conservation du patrimoine à long terme qu’appliquent les institutions de prévoyance, loin de l’activité spéculative. Dans leur allocation des actifs, les caisses de pension suisses destinent à l’immobilier une part allant de 15 à 20%.

Dès lors, il est déterminant que les autorités promeuvent et saisissent les opportunités de partenariat qui se présentent avec ces acteurs institutionnels. Les éventuels doutes résiduels peuvent se dissiper en constatant qu’il ne s’agit guère ici de créer du logement de type low-cost. L’exploitation de tels objets n’est pas un but viable pour une caisse de pension, aussi publique soit-elle. Si ces acteurs institutionnels n’ont pas pour objectif de dégager du bénéfice à n’importe quel prix, ils n’en tiennent pas moins à garantir une stabilité du revenu.

Les nouveaux développements immobiliers affectés à cette classe moyenne n’en sont que plus nécessaires lorsque l’on considère que le faible taux de vacance d’appartements locatifs ne facilite pas la tâche aux familles.

En lien avec cette problématique, on observe que la spirale des prix est à même d’engendrer des problèmes de mixité sociale en ville. Plusieurs cités européennes en ont déjà fait l’expérience, parfois de manière douloureuse. Des loyers trop chers en milieu urbain relèguent les jeunes et les familles à l’exode en périphérie, où ces populations trouvent des prix plus raisonnables. Ceci va à l’encontre de tous les critères de développement durable, en commençant par la démultiplication des déplacements pour se rendre au travail ou pour véhiculer les enfants à l’école. D’autre part, les dommages que cela génère sur le tissu associatif local peuvent avoir pour conséquence une perte d’attractivité de la vie des centres-villes et donc des impacts sur l’économie urbaine. D’où le soin accru que doivent apporter nos élus à l’heure de réfléchir au devenir de leurs espaces.

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