Le Temps
Philippe Doffey
Directeur général de Retraites Populaires
Les jeunes se sentent concernés par le 3e pilier, bien qu'ils peinent encore à faire le pas. C'est pourtant bien à ce moment de leur vie qu'ils gagnent à s'y investir, sans plus tarder.
Quel âge aviez-vous lorsque vous avez constitué votre première police ou compte de 3e pilier ? Posez la question autour de vous et vous constaterez que les premiers pas dans le domaine se font relativement tard.
Le premier contact des Suisses avec le monde de la prévoyance va de pair avec l'accès au marché du travail. C'est à cette étape de vie qu'ils entendent parler du 2e pilier et acquièrent des notions de base en la matière. Jusqu'à l'âge adulte, leur présence dans le portefeuille des assureurs reste souvent le fait de polices de 3e pilier conclues par leurs proches dans un but d'épargne à l'usage des enfants. Ces produits présentent une bonne valeur ajoutée pour financer des études ou d'autres projets. Ils sont aussi une manière attractive d'initier le transfert du patrimoine entre parents et enfants ou entre grands-parents et petits-enfants.
Dès l'année des 18 ans, les salariés qui franchissent le seuil d'accès établi périodiquement par le Conseil fédéral (21'060 francs de revenu annuel, en 2014) sont tenus de cotiser auprès d'une caisse de pension afin d'assurer les risques d'invalidité et de décès. A cela s'ajoute la part d'épargne dès l'année des 25 ans.
L'expérience de terrain des conseillers de compagnies d'assurance vie vient corroborer que les Suisses ne commencent à se sentir concernés par la prévoyance qu'à partir de l'âge de 25 ans (avant, près de la moitié des salariés ne connaissent même pas leur caisse de pension). A cette phase de leur parcours et pendant plusieurs années, ils tendent toutefois à trouver le sujet encore "trop compliqué" ou n'ont pas de moyens financiers suffisants. Les jeunes souhaitent profiter au maximum des heures de liberté dont ils disposent en dehors de leur environnement professionnel. Et pour cause: les hommes et femmes de 30 ans travaillent très majoritairement à plein temps ou presque (ils affichaient l'an dernier un taux d'occupation moyen de 91% au niveau national). Ils remettent volontiers à plus tard des réflexions qu'ils devraient pourtant entreprendre aussi rapidement que possible, dans leur propre intérêt financier.
30 ans, le bon moment
A la trentaine, on acquiert une certaine stabilité grâce à une capacité financière ouvrant des perspectives et suscitant des projets de vie, par exemple l'acquisition d'un logement. Commence aussi de se profiler la volonté de faire fructifier son capital. Les polices d'assurance de 3e pilier lié (3A) rendent possible l'atteinte de certains objectifs et de surcroît de réaliser des économies fiscales. De plus, la solution de l'assurance vie offre une protection familiale via la couverture en cas de décès. Les polices d'assurance de 3e pilier libre (3B) permettent de choisir le bénéficiaire, par exemple les enfants issus d'un premier mariage en cas de famille recomposée.
Plus la personne s'y prend tôt, plus les intérêts de la police d'assurance produiront un effet cumulé. C'est aussi une manière d'étaler l'effort, en privilégiant l'endurance au sprint. Prendre à 30 ans la bonne habitude de constituer un 3e pilier et l'intégrer dans sa planification est le meilleur réflexe. Stimulons-le! Un homme né en 1984 qui commence à verser annuellement 2400 francs peut atteindre un capital dépassant les 102'400 francs en 35 ans.
Autre avantage: le moment venu, la police de 3e pilier aidera à acquérir le logement puisqu'elle pourra être mise en nantissement auprès de l'établissement qui accordera le prêt hypothécaire.
L'éventail des possibilités est tellement large que le choix de l'interlocuteur est déterminant. Un bon conseiller saura orienter vers la solution adéquate, y compris préconiser de ne rien entreprendre dans l'immédiat si cela va dans l'intérêt du jeune en début de carrière et de sa surface financière. Parfois il faut simplement remettre à plus tard pour obtenir un meilleur résultat. C'est pourquoi les acteurs de l'assurance vie et de la prévoyance tiennent à analyser chaque situation dans sa globalité.
Lien avec la carrière
L'évolution de la carrière professionnelle donne par la suite une nouvelle opportunité d'intensifier le rapport au domaine de la prévoyance. Cela devient tangible auprès des 2/3 de Suisses qui tiennent compte des prestations de la caisse de pension à l'heure de choisir leur nouvel emploi. Ce critère devancerait même celui du salaire et de l'environnement de travail, d'après une récente étude d'Axa.
Les employeurs le savent et n'hésitent plus à mettre en avant l'attractivité de leur caisse de pension pour attirer de nouveaux collaborateurs. C'est notamment le cas des institutions publiques. L'Etat de Vaud intègre dans sa politique de recrutement les avantages qu'offre la CPEV, à commencer par la primauté des prestations: le collaborateur part à la retraite avec une rente de 60% du salaire assuré (moyenne du salaire des 12 dernières années), pour autant qu'il ait cotisé les 38 années nécessaires. Autre point fort: l'employé cotise 10% du salaire et l'Etat ajoute 15,5%.
De manière générale, les caisses publiques comme la CPEV (canton) et la CIP (communes) en terres vaudoises, la CPEG à Genève ou encore Publica (Confédération) réalisent des efforts importants dans l'information de leurs affiliés. Fiches pratiques, sites internet avec simulateurs, newsletters, rapports annuels détaillés sont autant de facteurs stimulant l'intérêt des assurés dès le début de leur carrière et les rendent conscients des enjeux. C'est notamment le cas du rachat d'années de cotisations qui permet, en cas de lacunes, de compléter intelligemment le 2e pilier parallèlement à la démarche de constitution du 3e pilier. Là aussi, il convient souvent de s'y prendre le plus tôt possible
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