SENIORS: Arrêter son activité professionnelle peut être délicat à bien des niveaux. De bonnes pratiques et des formations existent cependant pour aider à passer ce cap.
Julie Eigenmann, Le Temps
Le passage à la retraite: une libé- ration, la fin des contraintes ou de relations professionnelles tendues pour certains. Pour d’autres, au contraire, ce cap est synonyme de stress, de la fin d’une identité sociale ou d’un vide émotionnel.
Il existe en effet une «diversité croissante des manières d’aménager la vie post-professionnelle», comme le relevait le «Panorama de la société suisse: vieillesse et vieillissement dans la société contemporaine», publié cette semaine.
Alors, comment passer ce cap? Certaines entreprises offrent des formations de préparation, mais tout le monde n’a pas cette chance. De bonnes pratiques peuvent aussi aider.
D’abord, l’état d’esprit face à la retraite dépend d’une attitude tout au long de la vie, estime Kirsten Bourcoud, psychologue du travail chez Vicario Consulting. «Les trois temps qu’étaient celui de la formation, de la vie professionnelle et enfin du temps libre se superposent davantage.» Par exemple à travers un job étudiant exercé pendant les études ou du temps libre et des relations cultivés pendant la vie professionnelle. «Ils représentent un «trio de satisfaction» qu’il convient d’équilibrer en tout temps.» S’assurer de lisser ces différents éléments – à des degrés d’intensité différents selon les phases de la vie – permet un passage à la retraite plus en douceur: continuer à se former, par exemple, est déjà un réflexe et il paraît naturel de maintenir une activité, par exemple à travers du bénévolat, du mentorat ou encore des mandats ponctuels rémunérés.
La retraite est dans tous les cas un enjeu de taille, souvent sous-estimé. C’est aussi vrai du côté des entreprises: une enquête de l’institut M.I.S Trend publiée cet été et réalisée auprès de 433 entreprises montre que 43% d’entre elles ne se sentent pas du tout ou que partielle- ment informées sur la préparation à la retraite. «Mais les entreprises sont toujours davantage sensibles à cette thématique», souligne Costantino Serafini, responsable du programme AvantAge de Pro Senectute, qui a commandé cette étude. Pro Senectute propose notamment une formation de deux jours – la plupart du temps payée par l’employeur – à destination des futurs retraités. Les risques psychosociaux mais aussi la planification financière sont abordés.
Un premier aspect financier
Car cet aspect reste le nerf de la guerre. «La première chose est de se demander quelle est sa situation financière et de quel montant on aurait besoin pour la retraite, développe Costantino Serafini. Il faut aller chercher les informations. Souvent la rente n’est pas celle que les gens avaient imaginée.»
Pour se pencher sur cette dimension financière, «il n’est jamais trop tôt, mais souvent trop tard, regrette-t-il. Nous proposons aussi un séminaire planification financière à partir de 45 ans déjà, histoire d’avoir vingt ans devant soi, le temps d’effectuer des correctifs. Ces thématiques sont tellement compliquées.»
Cinquante ans, c’est le bon âge pour avoir encore le temps d’activer certains leviers, estime pour sa part Christian Charles, spécialiste en prévoyance professionnelle et formateur à Retraites Populaires (qui gère notamment la Caisse de pensions de l’Etat de Vaud). «Dans nos formations, l’idée est de mettre une étincelle dans l’esprit des gens sur la façon dont ils pourraient améliorer leur rente. Ils doivent commencer par faire un budget contenant les revenus et dépenses à la retraite. Parce qu’au moment où on la prend, si rien n’a été réfléchi, il n’y a plus de moyen de rattrapage, sauf celui de diminuer de manière contrainte son train de vie. Mais cela peut être douloureux lorsqu’on a justement plus de temps pour les loisirs.» .D’autres retraités continuent aussi à travailler.
Concrètement, le spécialiste conseille de se renseigner auprès de l’AVS et de sa propre caisse de pension. «Il ne faut pas se fier à ce qu’a vécu une autre personne, même si elle avait le même salaire. Toutes les caisses sont différentes.» Enfin, il y a la question d’un éventuel 3e pilier et donc la nécessité de se renseigner auprès de son assureur ou de sa banque afin de faire des projections financières.
Lorsque le moment approche, les dimensions plus «humaines» de ce départ à la retraite sont aussi cruciales. Odile Criblez Gruaz en sait quelque chose. Elle est coach et cofondatrice de la société Easyformation, qui intervient au sein des entreprises et dans des centres de formation. Elle donne une formation sur le passage à la retraite par le biais du Centre d’éducation permanente (pour le personnel de l’administration cantonale vaudoise). Un cours qui aborde également les questions financières et celles liées aux risques psychosociaux, avec notamment l’intervention d’un médecin et d’un ou une retraitée. S’informer représente un moyen de s’approprier cet avenir. «Se pré- parer à la retraite peut être difficile quand on travaille beaucoup. Suivre une formation consacrée à cette thématique, c’est s’octroyer du temps et un espace pour y réfléchir. Les retraités vont être les auteurs de leurs propres changements et devenir, désormais, leurs propres chefs», souligne Odile Criblez Gruaz.
L’important est de mettre sur la table toutes ces préoccupations «sociales», deux ou trois ans avant le départ à la retraite. Elle liste: Comment vais-je gérer une nouvelle vie sociale en tant que célibataire, veuf, ou en couple, avec des besoins différents si l’autre travaille encore? Serai-je hyper-sollicité désormais, par les parents vieillissants ou les enfants et petits-enfants? Ai-je le droit de dire non? De quel agenda ai-je envie, plein ou vide? Le bénévolat me conviendrait-il? Autre point auquel elle conseille de réfléchir: la façon dont on souhaite dire au revoir à l’entreprise. «C’est une étape importante pour passer ensuite à autre chose, assure-t-elle. Plus globalement, il faut éviter de s’isoler mais au contraire en parler autour de soi, notamment avec des amis retraités constructifs.
De nombreux enjeux
L’intérêt de se poser toutes ces questions dans le cadre d’une formation, c’est précisément de faire émerger des solutions en groupe, note Odile Criblez Gruaz.
Le nouveau rapport au conjoint et aux relations amicales, mais aussi l’importance de ne pas se couper des outils numériques une fois que leur usage est moins nécessaire au quotidien: «Les participants nous disent souvent, à l’issue de la formation, qu’ils n’avaient pas pensé à tous les enjeux que la retraite peut représenter», poursuit pour sa part Costantino Serafini.
Dans la formation de Pro Senectute, les participants sont aussi amenés à travailler sur un projet pour l’après-retraite. «Parfois, il s’en constitue même un avec le groupe présent, comme celui de participer ensemble à un marathon.»
«Lors de la formation, les participants sont amenés à trouver des objectifs personnels inspirants et chargés de sens, conclut Odile Criblez Gruaz. La retraite, c’est un projet, ayez du plaisir à le prépa- rer!».