L’allocation stratégique définit la répartition des actifs, c’est-à-dire les différents placements opérés, d’une caisse de pensions. C’est l’élément principal qui détermine la performance de l’institution. L’objectif de l’allocation stratégique est de répondre au besoin de performance de l’institution tout en tenant compte de sa tolérance au risque et de la structure de la caisse, notamment la répartition entre actifs et pensionnés.
L'invité Finance de PME Magazine est Jean-Christophe Van Tilborgh
Directeur général adjoint et directeur de la Division investissements
En principe, ces allocations stratégiques sont révisées tous les 3 à 4 ans. Un changement intervient également lors d’un bouleversement important au niveau des perspectives financières à long terme a lieu. C’est notamment le cas en 2022 avec le retour de l’inflation en Suisse mais surtout en Europe et aux Etats-Unis. Les nouvelles allocations stratégiques doivent permettre de maintenir le potentiel de performance tout en assurant une saine diversification des actifs. Cette diversification a été fortement mise à mal l’année dernière, car les actions et les obligations ont baissé de concert tout au long de l’année et ce, dans des proportions importantes.
En règle générale, une caisse de pensions définit l’allocation stratégique autour de 3 blocs bien distincts. Les actifs de «cash flows» (immobilier direct et hypothèques) : ceux-ci fournissent des rendements stables et prévisibles, par contre leur allocation est difficilement modifiable à court/moyen terme (illiquidité). L’immobilier direct est présent dans la plupart des allocations stratégiques car elle permet d’absorber une partie du choc des marchés financiers en 2022. Cette classe d’actifs permet aussi de générer des liquidités régulières. Les hypothèques permettent de générer des performances stables et avec un risque maîtrisé. L’immobilier direct et les hypothèques peuvent représenter jusqu’à 30% de l’allocation totale des institutions gérées.
Viennent ensuite les actifs liquides (actions et obligations). Ceux-ci permettent un pilotage tactique dans le cadre des marges de manœuvre fixées par le Conseil de fondation. Le bloc obligataire offre une rémunération plus élevée qu’il y a encore quelques mois, tandis que le bloc actions permet d’améliorer le rendement : c’est le principal levier pour augmenter la performance et le risque d’une allocation. Les allocations stratégiques distinguent les obligations en francs, les obligations gouvernementales, les obligations d’entreprises, les obligations à haut rendement et les obligations émergentes. Cette granularité permet un pilotage plus fin tout en assurant une meilleure transparence en termes de reporting pour les Conseils de fondation. Ces différentes catégories offrent, en effet, des profils de performance et de risque très différents. Récemment, la même démarche a été menée au niveau des actions. Celles-ci ont en effet été divisées entre d’un côté les grandes capitalisations et d’un autre côté les petites et moyennes capitalisations. Ces derniers segments sont mieux diversifiés et présentent des perspectives de performances intéressantes.
Finalement, il y a les actifs non cotés comme le private equity, l’immobilier étranger et les infrastructures. Leur mode de valorisation permet une certaine stabilisation (lissage de la volatilité). Les frais sont élevés, voire très élevés, mais les rendements nets sont intéressants. Cependant, des changements d’allocation à court/moyen terme sont difficiles (illiquidité). Ces actifs restent complexes à appréhender et nécessitent des ressources dédiées ainsi qu’un soin particulier dans la manière de les implémenter. Au travers du temps, il est constaté que ceux-ci amènent une réelle diversification tout étant un moteur important de performance. En moyenne, ces actifs représentent entre 8% et 11% de l’allocation globale.
La diversification sera un élément clé ces prochaines années. Depuis la crise financière de 2008 et le support inconditionnel des banques centrales, le soutien a été important pour les actifs financiers. Nous avons en effet connu une hausse importante des actions et la baisse des taux a permis de générer des plus-values sur les portefeuilles obligataires. L’année 2022 a sonné la fin de cette période « dorée » pour les actifs financiers. La question reste de déterminer si l’inflation va s’installer de manière permanente et si elle se stabilise, à quel niveau.
Il s’agira donc d’appréhender ce nouvel environnement avec des « recettes » différentes en termes de diversification et probablement de continuer à vivre avec plus de volatilité et d’incertitudes en raison des problèmes géopolitiques mais aussi socio-démographiques.