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L'invité·e

Claire Clivaz, pasteure et spécialiste des questions digitales

juin 2020 - 5 minutes

Théologienne, pasteure de formation et spécialiste des questions digitales, Claire Clivaz est cheffe du groupe Digital Humanities+ à l’Institut Suisse de Bioinformatique à Lausanne. Son avis sur la digitalisation de la société nous intéresse.

 

Bio express de Claire Clivaz

Après des études en théologie, Claire Clivaz devient pasteure, « par amour des gens ». Une vocation qu’elle pratique pendant quelques années à la paroisse de Lutry tout en poursuivant des travaux de recherche académique sur le Nouveau Testament. En 2003, cette mère de trois enfants embarque avec sa famille pour Boston pour un séjour de recherche d’un an à l’Université d’Harvard. De retour en Suisse, elle se concentre sur sa carrière académique.
Elle termine sa thèse de doctorat en 2007 et devient professeure assistante en Nouveau Testament à l’Université de Lausanne.  Ses recherches et sa plongée au cœur de l’univers des écrits et de l’édition l’amènent à se spécialiser dans les questions d’innovation et d’échanges entre sciences humaines et sciences « dures ». En 2015, elle rejoint l’Institut Suisse de Bioinformatique à l’Université de Lausanne. Depuis 2018, elle y est cheffe du groupe Digital Humanities+.


Claire Clivaz tient à souligner qu’elle n’est pas cliente de Retraites Populaires.

 

 

LES 3 QUESTIONS QUI RÉSUMENT L'INTERVIEW

 

Les humanités digitales, c’est quoi ?

C’est simplement la rencontre des sciences humaines avec l’informatique. Pendant deux générations, on a observé ce rapprochement avec pas mal de distance, mais tout à coup, à la fin du XXe siècle et début du XXIe siècle, tout le monde a commencé à se rendre compte que ce phénomène transformait tellement nos pratiques, nos manières de lire, nos manières d’interpréter, que les chercheurs se sont mis à utiliser une nouvelle expression, ces fameuses humanités digitales. Mon pari, c’est que l’adjectif risque de tomber à un moment donné, lorsque l’on aura accompli notre grande transformation digitale. On parlera donc à nouveau des humanités, qui seront à l’évidence digitalisées. C’est ce qui est arrivé avec l’ordinateur portable, qui dans les années 50 s’appelait digital computer (l’ordinateur digital). Cela serait aujourd’hui complètement redondant. 

 

En quoi le digital a vraiment révolutionné notre société ?

Les changements amenés par le digital sont difficiles à évaluer qualitativement. Mais il y a plusieurs choses fascinantes. En matière de rapport d’autorité, par exemple. Avant, dans la salle de classe, à l’université ou à l’école, il y avait quelqu’un qui savait et des gens en face qui recevaient ce savoir. Cette situation a complètement changé aujourd’hui. Chacun a désormais la possibilité d’accéder au savoir avec son écran. Les étudiants peuvent compléter, voire contester ce que dit l’enseignant. Il s’agit d’une façon de partager l’accès au savoir qui exige donc de repenser la manière dont on aborde l’enseignement. Nos écoles sont d’ailleurs entrées dans de grands débats pour déterminer quelle place donner à l’écran dans la salle de classe. Il s’agit vraiment d’une mutation pour tout le monde. Ce qui est tout aussi fascinant, c’est la comparaison des cultures et des langues. Dans mes projets de recherche, je me retrouve dans des équipes qui comptent plusieurs nationalités différentes, mais il y règne toujours une facilité de contact, que cela soit en travaillant sur un document partagé en ligne ou en faisant une vidéoconférence. Il y a une attention à la culture de l’autre qui s’instaure car chacun entre différemment dans la culture digitale. J’apprécie vraiment cette mosaïque culturelle à laquelle le digital donne accès. 

 

Objets ou services augmentés : que dire de cette évolution ?

Ce qui me frappe, c’est notre changement de rythme. Nous avons été plongés d’un coup au milieu d’habitudes culturelles dans lesquelles nous n’avons pas été élevés. Nous manquons donc de recul et sommes en train de bricoler nos apprentissages. Ce ne sera probablement que lorsque nous aurons trouvé un bon rythme de fonctionnement avec ces moyens-là que nous pourrons identifier quels en sont les bénéfices. Je pense qu’en ce moment nous sommes encore en phase d’apprentissage. C’est pareil pour nos déplacements, voyages et meetings. Nos habitudes se mettent en place et nous sommes en train de nous rendre compte que nous pouvons faire beaucoup plus de choses à distance. Et lorsque nous y serons vraiment parvenus, alors là je pense que l’on pourra parler de vrai bénéfice. Pour cela, nous avons besoin de l’apport des entreprises, pour nous permettre par exemple d’avoir des réunions à distance avec d’excellentes conditions techniques. Ce type de changement amenés par le digital est pour moi le vrai bénéfice pour notre société.

 

À lire : Claire Clivaz, Ecritures digitales. Digital writing, digital Scriptures

Profil de Claire Clivaz