La moustache du Major Davel

C’est sous un angle décalé mais bel et bien historique que nous avons choisi de rendre hommage à celui que l’on appelle «le premier patriote vaudois». Le 24 avril 1723, Jean-Daniel Abraham Davel se faisait exécuter à Vidy pour avoir voulu émanciper le Pays de Vaud de la domination bernoise. Son entreprise échoue mais il s’inscrira peu à peu dans les mémoires comme le courageux précurseur de l’indépendance vaudoise, qui aura lieu 75 ans plus tard.

Lausanne et Cully où il a vécu, mais également Morges, Vevey ou Montreux, presque toutes les villes du canton ont donné son nom à une avenue, une place, un monument ou encore un restaurant. Son souvenir perdure dans nos rues, mais parfois sans contexte. À l’heure de fêter le tricentenaire de sa disparition, son histoire est ravivée et son image circule un peu partout. À l’opéra, au musée ou dans les médias, on y voit un homme fier, droit et moustachu. Seulement voilà...

De son allure et de son vécu, on ne sait finalement que peu de choses. Au moment de son exécution, la tendance n’était pas à la rébellion et ce n’est que bien plus tard qu’il suscitera la fascination. En 1842, l’écrivain Juste Olivier publie la première biographie de Davel, qui deviendra l’une des principales sources d’information le concernant. Quatre ans plus tard, le Conseil d’État commande un portrait de cette nouvelle figure vaudoise au peintre Charles Gleyre afin de l’immortaliser.

Ne sachant à quoi ressemblait le Major, il lui attribue le visage de son ami et fin connaisseur du personnage: l’auteur Juste Olivier. Comme la plupart des hommes en Suisse au XIXe siècle, ce dernier portait une moustache bien fournie. Mais 100 ans plus tôt, la mode était toute autre. Les visages imberbes étaient considérés comme une preuve de discipline et de civilité. Or, en tant qu’officier, on peut supposer que Davel respectait les usages de son temps et se rasait de près.

Mais qu’importe! Lors des festivités du centenaire de la Révolution vaudoise en 1898, le Major Davel est élevé au rang de héros. Les représentations de sa personne se multiplient et sont pour la plupart inspirées du tableau de Charles Gleyre. C’est le cas par exemple de la statue de bronze qui trône devant le château Saint-Maire à Lausanne et qui alimente à son tour l’imaginaire collectif. Une anecdote rigolote sur celui dont le visage oublié a su transcender les années.