Vieillissement de la population, temps partiel, indépendants; le système de prévoyance subit des grosses pressions. Pour les personnes à la retraite, il peut être astucieux et prudent de prévoir la transmission de son patrimoine à ses enfants pour pallier la baisse de leurs futures prestations de prévoyance.
Interview le Temps du 29 novembre 2024
Propos recueillis par Thomas Pfefferlé
La question des retraites préoccupe toujours davantage la population. Vieillissement démographique ou encore généralisation des modèles de travail plus souples et malléables impactent de différentes manières l’équilibre du système de prévoyance. Pour donner quelques indicateurs démographiques clés, les statistiques établies par l’OFS montrent qu’en Suisse 19 % des habitants ont plus de 64 ans. Dans le canton de Vaud, d’ici à 2040, une personne sur cinq aura 65 ans ou plus et le nombre de personnes de plus de 80 ans va doubler.
Cette tendance démographique incite par ailleurs les personnes, qui partent à la retraite maintenant, à prendre les devants pour pallier les maigres prestations de prévoyance qui attendent leurs enfants. Parmi les leviers d’action pouvant être à leur disposition, la transmission patrimoniale s’impose comme une alternative temporaire. On en parle avec Danny Santoro, conseiller en prévoyance et spécialiste en assurance au sein du Service clients privés de Retraites Populaires.
Le Temps: Outre les aspects évoqués en matière de dynamique démographique et de modèles de travail, quels autres facteurs peut-on identifier dans le problème des retraites?
Danny Santoro: Au-delà de l’augmentation de l’espérance de vie, l’autre facteur significatif à mentionner qui impacte le 2ème pilier concerne la baisse des rendements des caisses de pension. En effet, le financement provient des cotisations employés-employeurs et des rendements générés par les placements. Les perspectives de rendement sont inférieure à celle observées il a un peu plus de 20 ans, et elle devraient rester basses dans le futur, notamment influencées par les niveaux des taux d’intérêt. Concernant uniquement l’AVS, le vieillissement de la population aura un impact certain sur le financement des rentes. Dès lors, tous ces facteurs auront une répercussion sur notre système de prévoyance.
Cette configuration est-elle amenée à persister, à s'amplifier ou à se rééquilibrer?
La situation actuelle et les défis et pressions qui la caractérisent devraient atteindre une sorte de pic durant la période des retraites de la catégorie des femmes et des hommes issus du baby-boom, qui sont donc en fin de carrière de nos jours. Un contexte qui se traduit par moins de personnes actives, qui cotisent moins, et de nombreux seniors à la retraite en même temps. S’il reste bien sûr difficile de prévoir précisément les évolutions, il reste que le pic du problème des retraites concerne celles des boomers actuellement en fin de carrière et en surnombre par rapport aux cotisants.
Dans ce contexte, comment la transmission patrimoniale évolue-t-elle, notamment dans son utilisation en tant que levier financier intergénérationnel pour pallier les maigres retraites attendues à l’avenir ?
En effet, pour prendre les devants et pouvoir aborder l’avenir de leurs enfants plus sereinement, il est de plus en plus fréquent de voir des personnes à la retraite prévoir la transmission de leur patrimoine, par exemple à des fins de complément aux retraites futures. Ce qui marque un certain changement dans la conception, le rôle et l’utilisation du patrimoine. Initialement, les générations antérieures avaient plutôt tendance à conserver, voire à faire grandir, le patrimoine familial. Aujourd’hui, on peut constater que la tendance consiste plutôt à l’utiliser. Un phénomène qui s’explique autant par une nécessité financière et économique que par le changement et l’évolution des habitudes et modes de vie. Si dans l’après-guerre nos ancêtres entretenaient surtout un climat de prudence et de prévoyance, le contexte actuel se traduit plus par la société de consommation, des voyages plus nombreux et fréquents, et une conception différente en matière de finances, de travail et de qualité de vie.
Dans ce sens, quels conseils donner en matière de transmission de patrimoine?
Comme pour tous les aspects qui concernent les problématiques de la prévoyance, il s’agit toujours d’agir le plus tôt possible. Pour cela, il faut définir le plus tôt possible les modalités de transmission patrimoniale. Ce qui peut notamment être fait auprès d’un notaire, dont l’expertise permet de prévoir tous les cas de figure et de déterminer la solution la plus intéressante en fonction de la forme et de la valeur du patrimoine en question. Régler cela de son vivant permettra toujours de limiter au maximum, voire d’éviter, les problèmes ou conflits éventuels qui pourraient survenir au sein d’une famille lors du partage de l’héritage.
Quelles formes peuvent revêtir une transmission patrimoniale?
Plusieurs choses sont envisageables et tout dépend de ce en quoi consiste le patrimoine en question. Il peut s’agir d’investissements immobiliers, de donations directes, de prêts, de rentes viagères ou encore d’une avance sur héritage. Autant de points qui, à nouveau, peuvent être définis et encadrés auprès d’un notaire.
En considérant les différents piliers de la retraite, quelles sont les spécificités du deuxième et du troisième pilier dans la flexibilité qu’ils peuvent offrir en matière de transmission?
Concernant le deuxième pilier, il faut bien garder à l'esprit le fait que le capital accumulé durant toutes les années d'activité professionnelle n'entre pas en compte dans la masse successorale. Par conséquent, si on opte exclusivement pour la rente, la caisse de pension conserve tout dès lors que l’on décède à l’exception d’éventuelle rente de survivant suivant la situation familiale. Pour plus de prudence, si l’on souhaite protéger la succession, on peut donc conseiller de prendre une partie en capital qui serait transmissible à ses enfants ou son conjoint en cas de décès. Pour le troisième pilier libre, les modalités offertes sont bien plus flexibles. En cas de décès, le choix du ou des bénéficiaires est totalement libre... Dans tous les cas, le troisième pilier permet d’ajuster de nombreux paramètres sur-mesure et de prévoir sa succession plus finement. A rappeler que certains héritiers détiennent une part de succession qui leur est réservée.